la politique doit-elle être morale?

Publié le par maryse.emel

la politique doit-elle être morale?

c'est parce que l'affirmation selon laquelle la politique ne doit pas être morale choque, que cette question se pose. L'évidence du lien entre morale et politique semble aller de soi, mais lisons Machiavel:

De ce qui rend les hommes, et surtout les Princes, dignes de louange ou de blâme (Ch. 15) Le Prince

Nous avons à examiner maintenant de quelle manière un Prince doit se gouverner avec ses sujets et avec ses amis. Mais parce que d'autres ont traité cette question, j'appréhende de passer pour téméraire si j'entreprends de la traiter aussi, surtout en m'éloignant, comme je le fais, des principes que les autres ont gardés. Mais comme mon dessein est d'écrire quelque chose d'utile pour qui l'entend, j'ai cru qu'il serait plus à propos de m'attacher à la réalité des choses qu'à l'imagination. (Combien de gens nous ont donné des idées et des peintures de Républiques et de Principautés dont il n'y eut, ni n'y aura jamais d'originaux). Il y a si loin de ce que l'on fait à ce que l'on devrait faire, que tout homme qui réglera sa conduite sur l'idée du devoir des hommes et non pas sur ce qu'ils sont en effet, connaîtra plus vite la ruine que la sécurité. Car un homme qui voudra faire en toutes choses profession de vertu, périra dans la cohue des scélérats. C'est pourquoi tout Prince qui voudra conserver son État, doit apprendre à n'être pas toujours bon, mais à user de la bonté selon les circonstances.

Je laisse donc là les belles idées que l'on nous donne sur les Princes, et ne m'arrêtant qu'à la vérité, je dis que tous les hommes, et particulièrement les Princes, qui sont plus exposés, se distinguent tous par des caractères qui leur attirent le blâme ou l'approbation ; c'est-à-dire, que les uns passent pour libéraux, les autres pour miséreux (pour user d'une expression toscane, parce que, dans notre langue, on appelle l'avare, miséreux, en ce sens qu'il se prive de jouir de son bien) ; que les uns répandent les grâces, les autres pillent et dérobent ; que les uns sont humains, d'autres cruels, d'autres perfides, d'autres loyaux ; que les uns sont efféminés et lâches, les autres fiers et hardis, lascifs ou chastes, sincères ou astucieux, sévères ou indulgents, graves ou étourdis, religieux ou incrédules, etc.

Je ne doute point que tout le monde ne souhaite dans un Prince tous les caractères les plus honnêtes dont nous venons de parler. Mais parce qu'il est impossible qu'il les ait tous, ni même qu'il les adopte, à cause de l'état corrompu où se trouvent les hommes, sa prudence le doit porter à éviter particulièrement les défauts qui peuvent lui faire perdre ses États. Quant aux vices moins dangereux, il doit faire son possible pour n'y pas tomber ; et si cela ne se peut, qu'il s'y abandonne avec un peu de circonspection. Il faut même que le Prince ne se fasse pas une affaire d'avoir certains défauts sans lesquels il ne peut absolument conserver sa couronne. Car, en y réfléchissant bien, on constatera que certaines choses paraissent vertueuses qui pourtant, à les suivre, entraîneront la ruine du Prince, tandis que d'autres, qui paraissent vicieuses, lui donneront bien-être et sécurité

Publié dans politique, morale

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