Problématisations de sujets

Publié le par maryse.emel

apprendre à dégager les présupposés

 

http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I00005530/georges-perec-a-propos-de-son-livre-les-choses.fr.htmlv

 

Rater renvoie au désir de réussir.  réussir...il y a un impératif de réussite qu'il nous faut interroger

accumuler des richesses ou des biens matériels, est ce vraiment cela  réussir?

si on a raté c'est que l'on pouvait quantifier et mesurer ses objectifs..La question est alors de comprendre si on peut  vraiment tout mesurer, tout contrôler..et .n'y a-t-il pas un aléatoire dont il faut tenir compte?

relativisme de cette réussite qui se soumet à la pression sociale...et me soumet dece fait à la pression..Société de battants, ce concurrents...le commerce n'est plus la condition de la civilisation comme l'écrivait Montesquieu...

 

commerce, concurrence, on dépasse les autres dans une course où on ne se dépasse pas soi-même, attaché d'abord à sa possession qui finit paradoxalement par nous déposséder de nous-mêmes...

tout le problème est là.

etre soi-même ..risquer l'échec , risquer sa liberté...

dans un espace un temps hors impératif de réussite

s'il y a un impératif c'est celui qui consiste à réaliser son humanité et sa singularité

se réaliser risquer l'échec

sans jamais renoncer à soi

à trop vouloir réussir, on finit par se perdre http://cdn.pearltrees.com/s/preview/index?urlId=8766652

 

deviens ce que tu es....

Problématisations de sujets

Faut-il se méfier de tout ?

Si une telle question se pose, c’est peut-être parce qu’il y a comme point de départ une déception. Si on décide de se méfier de tout un jour, c’est parce que l’on se sent trahi, ou trompé. N’est-ce pas ce qu’affirme Descartes lorsqu’il écrit dans la Première de ses Méditations Métaphysiques que ce qui nous a trompé une fois, on ne peut par la suite lui faire entièrement confiance ? C’est ainsi qu’il entreprendra de douter de ses sensations, ces dernières l’ayant trahi à plusieurs reprises. Doute radical et initial qui le mènera jusqu’au doute hyperbolique, doute encore plus radical car à son terme, plus rien ne semblera subsister de nos connaissances…ce qui conduira Descartes à un désespoir tel que l’image de la noyade lui viendra à l’esprit pour qualifier ce doute total. Se méfier de tout est donc une situation inconfortable, à la limite du vertige…de la folie, d’une paranoïa de la raison.

Etrange paradoxe de la raison qui la rend ainsi étrangère à elle-même …

Les pièges de l’adhésion naïve au monde :

  1. l’enfant que nous avons été pris au piège de la sensation (Descartes)
  2. les pièges des discours d’autorité : adhérer n’est pas examiner, réfléchir…
  3. la raison introduit la séparation, la rupture avec l’évidence première (le diable, dans la Genèse, est ainsi principe de séparation, de division) : cette rupture est doute, méfiance.
  4. il ressort de tout cela que le doute rationnel est séparation d’avec le monde des évidences souvent source de préjugés.
  5. Cependant faut-il douter de tout ? Descartes et la raison devenue folle.

le point fixe de la conscience de soi…la sortie du doute …

  1. Descartes (suite)
  2. Réfutation de cette thèse par Spinoza et Freud : le moi n’est pas mettre dans sa propre maison.
  3. La conscience n’est pas connaissance de soi
  4. Le doute se nourrit ainsi d’illusions sur lui-même..
  5. La régression à l’infini : douter du doute ?
  6. Retour à la folie…

réfléchir c’est mettre à distance, ne pas se fier, ne pas donner sa foi.

  1. la foi est mis à distance de la raison (Pascal, le cœur a ses raisons que la raison ignore)
  2. il est nécessaire d’admettre que la raison n’explique pas tout
  3. il faut donc se méfier de la raison ( le soupçon de Nietzsche)
  4. admettre la finitude humaine, c'est-à-dire les limites de nos connaissances
  5. se méfier de qui alors ? peut-être de soi…

conclusion : le véritable objet de la méfiance n’est-ce pas soi ?

Problématisations de sujets
Je pourrais dire que le vertige c'est être ivre de sa propre faiblesse

Kundera L'insoutenable légèreté de l'être p101


"Cet état qui consiste à s’émerveiller est le propre d’un naturel philosophe. La philosophie commence en effet par l’étonnement. Et il n’est pas trompé sur la généalogie celui qui a dit qu’Iris est la fille de Thaumas"  

PLATON

" Il y a un principe du doute consistant dans la maxime de traiter les connaissances de façon à les rendre incertaines et à monter l'impossibilité d'atteindre à la certitude. Cette méthode de philosophie est la façon de penser sceptique ou le scepticisme. ... Mais autant ce scepticisme est nuisible, autant est utile et opportune la méthode sceptique, si l'on entend seulement par là la façon de traiter quelque chose comme incertain et de le conduire au plus haut degré de l'incertitude dans l'espoir de trouver sur ce chemin la trace de la vérité. Cette méthode est donc à proprement parler une simple suspension du jugement. Elle est forte utile au procédé critique par quoi il faut entendre cette méthode de philosophie qui consiste à remonter aux sources des affirmations et objections, et aux fondements sur lesquels elles reposent, méthode qui permet d'espérer atteindre à la certitude. "

Kant

Philosopher c’est dire non..ou de la nécessité de douter pour gagner sa liberté..

Philosopher c’est ne rien admettre comme évident, c’est se méfier de ce que l’on croit…

On dira que cette méfiance est mise à distance non pas des autres mais d’abord de soi. En effet la source de mes convictions c’est d’abord moi. SI j’adhère à une idée c’est souvent parce que cela me rassure, que je n’aime pas rester dans le flou du doute et que le savoir remplit souvent l’espace vide de mes incertitudes et craintes.
ainsi ce n’est pas l’autre qui me fait penser mal, c’est d’abord moi-même. Comme l’écrira Alain, penser, c’est dire non. Affirmer par ce non ma méfiance d’abord à l’égard de mes convictions, ne pas adhérer à ces discours qui me rassurent certes, mais qui peuvent me conduire à me soumettre à n’importe qui (tyran, prêcheur, scientifique..)

Le doute vis-à-vis de moi doit donc fonder mes certitudes…

Je ne resterai pas immergé dans le doute mais gagnerai ma liberté, à comprendre comme acte de libération d’abord vis-à-vis de moi-même et de mes craintes. Souvent en effet l’homme qui assène des vérités violemment et sans se justifier ou donner les raisons de ses propos est un homme qui a peur….peur de se retrouver face à lui-même d’abord, face à la peur de l’ébranlement de ses certitudes qui donnent du sens à sa vie…du moins le croit-il.

Ainsi le philosophe est il d’abord celui qui doute…

Archimède, pour tirer le globe terrestre de sa place et le transporter en un autre lieu, ne demandait rien qu'un point qui fût fixé et assuré. Ainsi j'aurai droit de concevoir de hautes espérances, si je suis assez heureux pour trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable.
Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses ; je me persuade que rien n'a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de mensonges me représente ; je pense n'avoir aucun sens ; je crois que le corps, la figure, l'étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. Qu'est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? Peut-être rien autre chose, sinon qu'il n'y a rien au monde de certain.
Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute ? N'y a-t-il point quelque Dieu ou quelque autre puissance qui me met en l'esprit ces pensées ? Cela n'est pas nécessaire ; car peut-être que je suis capable de les produire de moi-même. Moi donc à tout le moins ne suis-je point quelque chose ? Mais j'ai déjà nié que j'eusse aucun sens ni aucun corps. J'hésite néanmoins, car que s'ensuit-il de là ? suis-je tellement dépendant du corps et des sens que je ne puisse être sans eux ? Mais je me suis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits ni aucuns corps ; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que j'étais point ? Non certes ; j'étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si j'ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n'y a donc point de doute que je suis, s'il me trompe ; et qu'il me trompe tant qu'il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu'après y avoir bien pensé et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit

Douter, certes…mais qu’en ressort-il ?

Dans un premier temps nous examinerons une expression courante pour comprendre le sens de cette méfiance .

Je travaillerai sur l’expression « tomber amoureux ».

On verra alors que souvent une expression ou une affirmation recèlent ce que nous appellerons un « présupposé » c'est-à-dire une conviction partagée par beaucoup mais dont l’évidence est fausse ou du moins sujet à questionnement.

Nos affirmations dissimulent des croyances non examinées. Nous admettons implicitement des valeurs ou des certitudes non examinées lorsque nous employons certaines formules ou que nous défendons certaines positions.

D’autre part lorsque nous parlons nous employons des mots dont le sens n’est pas toujours examiné. Il est souvent admis sans vraiment être passé au crible de la réflexion. C’est pourquoi il convient aussi de se méfier des mots.

Ce travail de définition des mots nous le désignerons par le mot concept.

exemple:

Qu’est-ce que tomber amoureux ?

L’ étude des mots est indispensable pour construire un devoir.

Ainsi ne faut-il négliger aucun mot.

Tomber amoureux apparaît comme magique à l’opinion commune. Chacun souhaite un jour tomber amoureux. On pourrait y voir une certaine conception romantique de l’amour.

Cependant si on examine bien le sens des mots en présence on peut suspecter d’une certaine façon cette vision idéalisée.

Le verbe « tomber » soulève quelques difficultés qui bouleversent cette imagerie d Epinal.

Tomber est un acte brutal qui fait mal et surprend..rares en effet sont ceux qui tombent au ralenti. Cette violence de la chute se redouble de la position ridicule où se retrouve celui qui est au sol, sous le regard de ceux qui le voient ainsi. Honte de celui qui tombe pris au piège de ce regard qui l’aliène. Mais pire ……….il tombe à quatre pattes, comme dit l’expression courante. Ravalé au niveau de la bête….. ;ou plutôt de l’animal. Cette animalité que nous ne cessons de fuir, la chute nous la rappelle. Comme nous ne sommes pas en mesure d’être des animaux…nous sommes même renvoyés au niveau inférieur.

Tomber c’est aussi être près de la tombe, du tombeau. L’homme qui tombe se rapproche de la tombe. La mort est proche.

si maintenant je rassemble tous ces éléments, je comprends tout ce que l’acte de tomber amoureux a de problématique puisqu’il me destitue de mon humanité et est une menace pour ma vie. Tomber amoureux ce n’est pas aimer.

Comment se fait-il que quelqu’un nous charme au premier regard, alors que nous ignorons tout de lui ? Il y a en effet des sympathies immédiates, et certaines personnes nous plaisent sans qu’on puisse dire pourquoi. Quel est donc ce je ne sais quoi qui nous touche ?

On dit l’amour aveugle ; car c’est rarement la connaissance des mérites qui le fait naître ; c’est plutôt après coup, et peu à peu, que nous apprenons à connaître les perfections de ceux qui nous ont émus. Quelle est donc la cause de l’amour, si ce n’est pas le mérite ?

Il se pourrait que ce soit notre propre corps, à travers les traces de ses premiers émois. Descartes raconte l’amour qu’il conçut étant enfant pour une enfant de son âge, dont les yeux louchaient un peu. Or, depuis ce moment, il fut toujours enclin à aimer les femmes au regard maladroit — jusqu’au jour où il comprit l’origine de son faible.

Ainsi tomber amoureux est bien plus un acte subi qu’un choix délibéré………

se méfier de l'opinion, volatile et sans fondement...elle est toujours à la limite de se transformer en préjugé.

Spinoza reçoit une lettre de Boxel à propos des spectres et des revenants:

Au très profond philosophe B. de Spinoza,
Hugo Boxel, Docteur en Droit.

Monsieur,

Je vous écris par désir de connaître votre opinion sur les apparitions, les spectres ou les esprits. Croyez-vous à leur existence ? Combien de temps vous paraît-il qu’elle dure ? Les uns en effet les croient immortels, d’autres mortels. Il me serait pénible de continuer à ne pas savoir ce que vous en pensez. Une chose est certaine : les Anciens y ont cru. Les théologiens et les philosophes modernes admettent jusqu’à présent l’existence de créatures de cette sorte, bien qu’ils ne s’entendent pas sur leur essence. Les uns les composent d’une matière très ténue et les autres prétendent que ce sont des êtres spirituels. Mais peut-être (comme j’ai commencé à le dire) sommes-nous en grand désaccord, car je ne sais si vous admettez l’existence de ces êtres. Vous n’ignorez pas cependant qu’on trouve dans toute l’antiquité tant d’exemples, tant d’histoires qu’il serait vraiment difficile de les nier ou de les révoquer en doute. Certainement si vous accordez l’existence des fantômes, vous ne croyez cependant pas, comme les défenseurs de la religion romaine, que ce sont des âmes de personnes défuntes. Je m’arrête là et attends votre réponse. Je ne dirai rien de la guerre ni des bruits qui courent, nous vivons dans un temps où... Salut.

Gorcum, le 14 septembre 1674.

Le 14 septembre 1674, Hugo Boxel, jeune étudiant, adressait sa première lettre à Spinoza sur l’existence des spectres. Il y demandait à Spinoza ce qu’il pensait des apparitions, des spectres, des revenants. « Croyez-vous qu’ils existent ? Combien de temps dure leur existence à votre avis ? » Ce qui est curieux dans cette lettre,c’est que Boxel feint d’interroger Spinoza sur l’existence des spectres alors que sa vraie question porte sur leur nature.On se rend compte au fil de la lettre que Boxel est convaincu que les spectres existent et il tente d’en persuader Spinoza.Il utilise un argument d’autorité : « Les Anciens y ont cru. Les théologiens et les philosophes modernes admettent jusqu’à présent l’existence de pareilles créatures, bien qu’ils ne soient pas d’accord sur leur essence. Les uns les croient constitués d’une matière très subtile, les autres prétendent que ce sont des êtres spirituels. » On peut se demander pourquoi Boxel écrivait ces lettres à Spinoza. II était convaincu de l’existence des spectres et il pouvait compter sur l’autorité des Anciens et des Théologiens et philosophes modernes. Pourquoi alors poser encore la question à quelqu’un dont il connaît déjà le point de vue ; ce qu’il avoue à la fin de la première lettre lorsqu’il dit qu’ils sont peut-être en désaccord. La réponse de Spinoza(lettre 52) à cette première lettre est conforme à l’attitude d’un homme poli, mais néanmoins clair et direct. Spinoza trouve que « les niaiseries et les imaginations peuvent lui être aussi utiles » que les choses vraies ;ce qui donne le ton de cette lettre. Il demande d’abord à Boxel de lui donner deux histoires qui prouvent l’existence des spectres. Mais il ajoute qu’il n’a jamais « connu d’auteur digne de foi pour en prouver clairement l’existence. » Mais l’élément essentiel de la réponse de Spinoza est à venir et tient en une toute petite phrase :« Il est cependant certain que nous devrions savoir ce qu’est une chose que l’expérience nous montre si clairement. »C’est moi qui souligne pour faire ressortir la contradiction que pointe Spinoza dans la position de Boxel.En effet puisqu’il y a énormément de témoignages en faveur de l’existence des spectres, aux dires de Boxel, on devrait aussi savoir ce que c’est, c’est à dire connaître leur NATURE, or de l’aveu de Boxel,on n’en connaît pas la nature.Je ne peux pas dire que j’ai vu une ’chaise’ alors que je n’ai pas la moindre idée de ce que c’est. Tout au plus pourrais-je dire que j’ai vu ’quelque chose’ dont l’essence, la nature m’est inconnue.

ainsi ce texte de Boxel est-il exemplaire de la démarche de l'opinion se rapprochant du préjugé, animée plus par le désir du pouvoir que du souci de la vérité...

Réponse de Spinoza:

Monsieur,

Votre lettre reçue hier m’a été très agréable : je désirais avoir quelques nouvelles de vous et je vois que vous ne m’avez pas tout à fait oublié. D’autres peut-être jugeraient d’un fâcheux augure [1] que vous m’écriviez au sujet des esprits. A mes yeux au contraire il y a là quelque chose qui mérite considération : non seulement les choses vraies mais aussi les sornettes et les imaginations peuvent m’être utiles.

Laissons toutefois de côté pour le moment la question de savoir si les spectres sont des fantômes de l’imagination, puisqu’il vous semble étrange d’en nier l’existence ou seulement de la mettre en doute, alors que tant d’histoires anciennes et modernes en parlent. La grande estime que j’ai toujours eue et continue d’avoir pour vous, le respect que je vous dois, ne permettent pas que je vous contredise, encore bien moins que je vous flatte. J’userai d’un moyen terme et vous demanderai de vouloir bien, parmi toutes les histoires de spectres que vous avez lues, en choisir quelqu’une, celle qui laisse le moins de place au doute et montre le plus clairement que les spectres existent. Je dois vous avouer que je n’ai jamais vu un auteur digne de foi qui en montrât clairement l’existence. Et jusqu’à cette heure j’ignore ce qu’ils sont et personne n’a jamais pu me renseigner à ce sujet. Il est cependant certain que nous devons savoir ce qu’est une chose que l’expérience nous montre si clairement. S’il n’en n’est pas ainsi, il semble bien difficile que l’existence des spectres ressorte d’aucune histoire. Ce qui en ressort c’est l’existence d’une chose dont personne ne sait ce qu’elle est. Si les philosophes veulent appeler spectres ce que nous ignorons, je n’en nierai pas l’existence, car il y a une infinité de choses que j’ignore.

Je vous prierai donc, Monsieur, avant de m’expliquer plus amplement sur ce sujet, de me dire ce que sont ces spectres ou ces esprits. Sont-ils des enfants, des simples ou des insensés ? Tout ce que l’on m’a rapporté d’eux convient plutôt à des êtres privés de raison qu’à des sages, et ce sont des puérilités, dirai-je en y mettant de l’indulgence, ou cela rappelle les jeux auxquels se plaisent les simples. Avant de finir je vous ferai cette seule observation : le désir qu’ont les hommes de raconter les choses non comme elles sont, mais comme ils voudraient qu’elles fussent, est particulièrement reconnaissable dans les récits sur les fantômes et les spectres ; la raison primitive en est, je crois, qu’en l’absence de témoins autres que les narrateurs eux-mêmes, on peut inventer à son gré, ajouter ou supprimer des circonstances selon son bon plaisir, sans avoir à craindre de contradicteur. Tout spécialement on en forge qui puissent justifier la crainte que l’on a des songes et des visions ou encore faire valoir le courage du narrateur et le grandir dans l’opinion. D’autres raisons encore me font douter, sinon des histoires elles-mêmes, au moins des circonstances relatées, et ce sont elles qu’il faut considérer pour tâcher de conclure quelque chose de ces histoires. Je m’en tiendrai là jusqu’à ce que je sache quelles sont les histoires qui ont déterminé en vous une conviction telle que le doute vous semble absurde.

Etude du texte :

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"Des fondements de l'État tels que nous les avons expliqués plus haut, il ressort avec la plus grande évidence que sa fin dernière n'est pas de dominer ni de tenir les hommes par la crainte, ni de les soumettre au droit d'un autre ; mais au contraire sa fin est de libérer chaque homme de la crainte, afin qu'il vive, autant que faire se peut, en sécurité, c'est-à-dire qu'il conserve le mieux possible son droit naturel à exister et à agir, sans danger pour lui et autrui. Non, dis-je, la fin de l'État n'est pas de transformer les hommes, êtres raisonnables, en bêtes ou en automates, mais au contraire de faire en sorte que leur esprit et leur corps accomplissent sans danger leurs fonctions, qu'eux-mêmes usent de leur libre Raison, qu'ils ne s'opposent pas par la haine, la colère ou la ruse, et se supportent mutuellement dans un esprit de justice. La fin de l'Etat est donc en réalité la liberté.
En outre, nous avons vu que pour former l'État, une seule chose était nécessaire : que tout le pouvoir de décider soit entre les mains, ou bien de toute la collectivité, ou de quelques-uns, ou d'un seul. En effet, comme le libre jugement des hommes est tout à fait divers et que chacun pense à lui seul tout savoir, et qu'il est impossible que tous pensent également la même chose, et parlent d'une seule voix, ils ne pourraient vivre en paix si chacun n'avait pas renoncé au droit d'agir selon le seul décret de sa pensée. C'est donc seulement au droit d'agir selon son propre décret que l'individu â renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite personne ne peut, sans danger pour le droit du pouvoir souverain, agir à l'encontre du décret de celui-ci, mais il peut totalement penser et juger, et par conséquent aussi s'exprimer, à condition cependant qu'il se contente de parler et d'enseigner, et de défendre son opinion par la seule Raison, sans introduire par la ruse, la colère et la haine, quelque mesure contraire à l'État qui ne ressortirait que de l'autorité de son propre vouloir.
Par exemple, si un citoyen montre qu'une loi contredit la saine Raison et pour cela estime qu'il faut l'abroger ; si, en même temps, il soumet son avis au jugement du pouvoir souverain à qui seul appartient le droit de fonder et d'abroger les lois, et s'il ne fait rien pendant ce temps de contraire à ce que prescrit cette loi, il mérite bien de l'État, et se comporte comme le meilleur des citoyens. Mais si, par contre, il agit ainsi pour faire accuser le magistrat d'injustice, et le rendre odieux à la foule, ou s'il s'efforce séditieusement d'abroger cette loi contre _ le gré du magistrat, il est assurément un perturbateur et un rebelle.
Nous voyons donc de quelle façon chacun peut dire et enseigner ce qu'il pense sans danger pour le droit et l'autorité du pouvoir souverain, c'est-à-dire sans danger pour la paix de l'État : i1 lui suffit de laisser au pouvoir souverain le soin de décréter sur toutes les décisions à prendre, et de ne rien faire contre ce décret, même si souvent il doit agir à l'encontre de ce qu'il juge et pense ouvertement bon. Voilà donc ce qu'il peut faire sans danger pour la justice et les valeurs sacrées".

Spinoza Traité théologico-politique , Livre XX

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