le corps: mon corps m'appartient-il?

Publié le par maryse.emel

27 septembre 2007

Il nous est tous déjà arrivé de perdre un être cher, et d’avoir le sentiment que cette personne continue à compter pour nous, pas forcément de manière consciente ni douloureuse, mais au sens où elle reste à l’arrière-plan de nos pensées, et continue de « vivre » en nous, en silence…

Ce sentiment ressemble au refoulement, au fait que des événements marquants de notre passé n’arrivent pas à passer, mais continuent à avoir une valeur forte au présent, sans que nous en ayons conscience : on est adulte, mais on se comporte encore comme l’adolescent éperdu d’hier, aux rapports familiaux conflictuels. Alors, notre passé nous impose notre style d’aujourd’hui.

Il n’y a donc pas seulement deux façons de réagir : soit à nos sensations, soit à nos représentations. Il y a aussi des présences diffuses, même de ce qui est très important.

Cette manière d’être a son équivalent dans le domaine ducorps : on peut être extrêmement fatigué et s’entêter à ignorer ses sensations, parce qu’on se pense comme une personne volontaire, forte. Notre corps continue à épouser notre identité et à faire comme si de rien n’était.

 

Cet engagement autonome du corps, qui va parfois jusqu’à nier ses sensations, est ce que Merleau-Ponty appelait le corps propre : quelque chose qui vit de sa vie propre, et qui ne dépend ni d’une perception, ni d’une représentation.

Cette idée n’est pas abstraite. C’est au contraire parce que nous sommes habitués à la pensée abstraite, conceptuelle,scientifique, qui pense le corps biologique et non le corps vécu, qu’il nous paraît bizarre de décrire les choses comme nous les vivons. 

le Monde
article   sur le corps chez Merleau Ponty link

 

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Lecture
Science publique par Michel Alberganti le vendredi de 14h à 15h
Notre corps nous appartient-il ?

 

Introduction.

 

Droit de disposer de son corps

 

notons tout de suite que le droit ne parle pas de propriété du corps

  il parle de libre disposition..

Toute personne a droit de disposer de son corps. Cela doit permettre de protéger les intérêts matériels et moraux de son corps. L’individu a donc un pouvoir sur son corps et peut décider, dans la plupart des cas, de sa propre mort. Cependant, certaines limitations à la totale liberté de disposition de son corps sont à apporter.

ainsi le corps n'est-il pas en mon entière possession...possession qui le réduirait à l'état d'objet.

 

L’euthanasie est une aide à mourir. Il en existe deux types :

-          L’euthanasie passive

Dans ce cas, le soignant laisse mourir la personne (droit au laisser mourir), sans intervenir de manière active pour mettre fin à la vie du patient. Il s’agit par exemple d’arrêter les soins. Ceci est justifié par l’interdiction d’ « obstination déraisonnable » ou d’ « acharnement thérapeutique ». Dans tous les cas, la volonté du soigné doit prévaloir, et le soignant ne peut s’y opposer.

-          L’euthanasie active

Dans ce cas, il s’agit alors pour le soignant de provoquer la mort (en débranchant un appareil qui le maintient en vie par exemple). Ceci est interdit en France, bien que peu de sanctions soient réellement appliquées en pratique.

C’est ce type d’euthanasie qui est sujet à controverse en ce sens qu’on met fin à la vie de manière volontaire. L’actualité a ces derniers temps mis en avant l’euthanasie afin de trouver une issue plus favorable au patient. Cependant, les juges n’ont toujours pas modifié leurs décisions.

Suicide

Le suicide n’est pas pénalement sanctionné en France, tout comme sa tentative. S’agissant d’une souffrance morale intense qui conduit à cet acte, le suicide n’est pas une infraction. Cependant, celui quiincite au suicide est quant à lui pénalement sanctionné (loi du 31 décembre 1987)

 http://gwenaelle.blogspirit.com/images/medium_anatomy.jpg  Rembrandt


Les mères porteuses : exemple

Divergence des points de vue..



Que disent ceux qui veulent légaliser, comme 53 % des Français* ? Que, dans les faits, la loi est contournée par des couples français et qu’il est hypocrite de faire semblant de rien. Que des enfants nés dans ces circonstances existent et qu’il faut bien les reconnaître. En octobre 2007, la reconnaissance en appel par l’Etat de jumelles nées d’une mère porteuse californienne a ouvert une brèche...

Pourtant, les réticences éthiques sont légitimes. La principale, c’est que la pratique des mères porteuses est une forme d’instrumentalisation d’autrui : « Il s’agit de louer l’utérus d’une femme, de prendre en quelque sorte possession de neuf mois de sa vie, de ses sensations, de ses émotions, de son inconfort, voire de ses souffrances, comme si elle n’était qu’une simple couveuse », écrit Monique Canto-Sperber.

Peut-on faire l’impasse sur ce que vit une femme pendant neuf mois de grossesse, dans son corps, dans sa tête ? L’argument est balayé par ceux qui estiment, à l’instar de la philosophe Elisabeth Badinter, qu’une femme a le droit de disposer de son corps comme elle l’entend. René Frydman explique autre chose : « La gestation n’est pas uniquement un fait physiologique interchangeable. C’est une expérience humaine qui touche la personnalité au plus profond et qui, de plus, a des liens très forts avec les idées de racines, d’entourage familial et de filiation. »

Cependant le corps n'est pas plus personne qu'il n'est objet.

 

Qu'est-ce qu'une personne ? Le mot "personne" vient du latin 
"persona" qui signifie "masque de théâtre". Ainsi, peut-être pourrait-on
trouver une définition de la personne dans les différents rôles qu'elle peut
prendre
.

Mais, cette conception a évolué au cours des siècles...la personne est devenue une entité morale puis
juridique
...


Le législateur, pour appréhender cet objet particulier qu’est le corps, n’a d’autres catégories à sa disposition que celle de personne ou celle de chose. Certes, on peut considérer le corps comme une chose particulière, c’en est une, tout à la fois que l’on est et que l’on a, si l’on veut rester dans cette terminologie-là, qui se donne sous un rapport différent selon qu’on le considère du point de vue de l’expérience subjective ou du regard d’autrui, par exemple. Cela ne semble pas être la préoccupation du juriste. Son problème, c’est qu’un même objet, pour employer ce terme dans un sens très général, ne peut pas être à la fois personne et chose, sujet et objet. Il faut trancher, et ranger le corps sous l’une ou l’autre de ces catégories.

Pour reconnaître un droit sur quelque chose, il faut qu’il y ait extériorité, il faut qu’il y ait un sujet et un objet : un sujet ne peut être en même temps objet, et inversement.

Donc pour que la personne ait un droit sur son corps, il faut reconnaître au corps le statut d’objet (de droit), c’est-à-dire de chose.

 

La question que se posent les juristes s’énonce ainsi : déterminer si la personne a un droit réel sur son corps, ce qui implique de définir quel est le rapport qu’elle entretient à son corps, donc, en définitive, définir ce qu’est le corps, ou plus exactement lui donner un statut. Et dans ce système binaire, il n’y a de choix qu’entre consubstantialité de la personne et du corps, ce qui signifie que la personne est son corps, ou extériorité de la personne à son corps, ce qui revient à dire que la personne a un corps. Il semble donc n’y avoir d’autre alternative qu’entre personne et chose, être et avoir.  La qualification de ce rapport ne se limite pas à une simple question de langage : celui-ci a dans le droit une efficacité, il a des conséquences juridiques, déclinables en droits.

Or notre droit civil ignore tout simplement le corps. Pour toute réponse aux pratiques nécessitant un appareillage juridique légal, on ne peut se référer qu'à un grand principe, celui de l'indisponibilité de la personne humaine, et à un article unique, l'article 1128 du Code  Civil : "Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent faire l'objet de conventions." Une personne ne peut disposer d'une chose et l'aliéner (la vendre, la louer, l'échanger…), que pour autant qu'il lui est reconnu un droit de propriété sur cette chose.

 

Notre question serait plutôt de savoir de quoi l’on parle, lorsque l’on cherche à déterminer sous quel mode se donne le rapport de la personne à son corps. Le rôle du juriste est-il de déterminer quel doitêtre, sur le plan juridique, le rapport le plus acceptable ? Et le plus acceptable dans ses conséquences juridiques, ou également dans ses présupposés et implications moraux ? Le droit doit-il plutôt chercher à déterminer quelle est la « réalité » de ce rapport, comment se donne le corps pour la personne, ce qui nécessiterait non de s’en tenir aux philosophies morales (et à Gabriel Marcel), mais d’en appeler à la psychanalyse ou à la phénoménologie ? Ce que fait peu le  droit ; il faudrait aussi pour cela accepter que le corps ne se donne pas sous un mode univoque.

Les trois grandes libertés de l’être humain…

 

La liberté sexuelle


http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/b/b9/Bonheur_Matisse.jpgMatisse
A. La liberté d'orientation sexuelle
B. Le droit de modifier son identité sexuelle : le transsexualisme
C. Le commerce sexuel du corps

II) La liberté de procréer

A. Le contrôle de la procréation
B. Le refus de procréation : l'IVG
C. La procréation assistée

III) La liberté de décider de sa propre mort

A. Le suicide
B. L'euthanasie

 

Cependant comme on vient de le voir il y a une difficulté fondamentale à se mettre d’accord sur ce droit à disposer de…

 

L’article 16-1 du code civil tel qu’issu de la loi du 29 juillet 1994 dispose : ” Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. 

Il pose un principe de respect du corps humain, inviolable et hors commerce.

Ce principe connaît néanmoins des exceptions qui permettent de conclure à un détachement du corps humain du sujet qui en est le support, signe d’une certaine libéralité contrairement à ce que pourrait laisser croire l’article précité.

Selon l’article 16-3 du code civil : ” Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir. 

L’article L 1211-2 du Code de la santé publique dispose :

” Le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Ce consentement est révocable à tout moment.

L’utilisation d’éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés est possible, sauf opposition exprimée par la personne sur laquelle a été opéré ce prélèvement ou cette collecte, dûment informée au préalable de cette autre fin. (….) Il peut être dérogé à l’obligation d’information lorsque celle-ci se heurte à l’impossibilité de retrouver la personne concernée, ou lorsqu’un des comités consultatifs de protection des personnes mentionnés à l’article L. 1123-1, consulté par le responsable de la recherche, n’estime pas cette information nécessaire. Toutefois, ces dérogations ne sont pas admises lorsque les éléments initialement prélevés consistent en des tissus ou cellules germinaux. Dans ce dernier cas, toute utilisation pour une fin autre que celle du prélèvement initial est interdite en cas de décès de l’intéressé.

Les autopsies sont dites médicales lorsqu’elles sont pratiquées, en dehors du cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire, dans le but d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès. Elles doivent être pratiquées conformément aux exigences de recherche du consentement ainsi qu’aux autres conditions prévues au chapitre II du titre III du présent livre. Toutefois, à titre exceptionnel, elles peuvent être réalisées malgré l’opposition de la personne décédée, en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort. Un arrêté du ministre chargé de la santé précise les pathologies et les situations justifiant la réalisation des autopsies médicales dans ces conditions. 

Il y a là donc un principe de consentement de la personne aux prélèvements et collectes. Ce principe est exprimé dans l’article 22 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine. L’article prévoit également une présomption de consentement à l’utilisation des éléments et produits à des fins autres que celles qui faisaient l’objet de la collecte et une possibilité de déroger au principe du consentement dans certaines circonstances.

Un médecin ne peut donc pas aller à l’encontre de la volonté d’un patient refusant de subir une opération, de subir une transfusion ou un traitement en raison du droit au refus qui est le corollaire du droit au consentement.

Ce droit au refus a été consacré par la loi du 4 mars 2002 qui est venue améliorer la législation relative aux droits des malades et au système de santé.

La responsabilité du médecin ne peut néanmoins être engagée pour avoir pratiqué la transfusion sur un patient qu’il savait témoin de Jéhovah mais dont il n’a pas recueilli le consentement en raison de l’urgence.

Les vaccinations obligatoires échappent par contre au principe en raison de l’intérêt général qui prime sur les intérêts individuels. Par respect de l’ordre public, une personne est obligée de subir une vaccination afin de prévenir un risque sanitaire.

N’y-at-il pas donc une obligation de réparation de tout préjudice résultant d’une vaccination rendue obligatoire pour préserver l’intérêt général ?

Il est admis qu’une réparation s’impose lorsqu’un lien de causalité existe entre le vaccin et la maladie. Ce lien était initialement admis comme étant un lien scientifique, avant que le juge n’admette, au cas par cas l’existence d’un lien de causalité juridique distinct du lien scientifique, reposant sur des présomption graves précises et condordantes. La dernière décision en date confirmant cette position est celle de la Cour de cassation du 9 juillet 2009 relative à l’apparition d’une sclérose en plaques suite à une vaccination contre l’Hépatite B.

Le Conseil d’Etat l’avait admis dans le cadre d’une vaccination obligatoire dans les arrêts du 9 mars 2007 ” Schwartz ” et ” Commune de Grenoble “, le Conseil, comme la Cour de cassation, se gardant d’énoncer des arrêts de principe, mais attachant les décisions au cas d’espèce, ce qui signifie qu’une telle confrontation entre le droit de disposer de son corps ainsi que l’intégrité physique et les nécessités de l’ordre public ne peut donner lieu à une solution détachée du contexte dans lequel une telle confrontation a eu lieu.

 

Ambiguïté du concept de corps qui explique peut-être l'ambiguité du droit...le corps semble échapper aux délimitations de la définition...même s'il a une multiplicité d'apparitions.

Le corps est ouverture à l'interprétation

 

Publié dans le corps

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